[Septembre 2025] Nos économistes, José Bardaji, José Correia et Julien Laugier publient un bilan des défaillances d’entreprises sur les huit premiers mois de 2025 et livrent leurs perspectives pour le reste de l’année. Ainsi, le nombre de défaillances d’entreprises pourrait atteindre 69 000 fin 2025 avec environ 245 000 emplois menacés.
L’économie française fait face à une baisse de la demande…
La demande adressée à l’économie française, intérieure et extérieure, enregistre un coup de frein. Si elle a contribué à hauteur de 2 points de pourcentage (pp) à la croissance du PIB dans les années 2022 à 2024, elle enregistre en 2025 un très net ralentissement (−0,6 pp à l’issue du 2e trimestre). En particulier, cette baisse de la demande provient de la hausse quasi-ininterrompue du taux d’épargne des ménages qui s’établit, trimestre après trimestre, à des niveaux records (hors période COVID).
… qui se manifeste notamment par un besoin de financement des sociétés non financières
Dans cet environnement peu favorable, les sociétés non financières (SNF) voient leurs ratios économiques se dégrader. D’abord, en raison de cette activité peu allante, le taux de marge se replie du fait de salaires toujours dynamiques. Ensuite, le taux d’épargne des SNF se dégrade aussi, davantage encore en raison d’un alourdissement de la charge d’intérêt. Enfin et en corollaire, les entreprises enregistrent un besoin de financement sur le 1er semestre 2025 pour la première fois en deux ans en raison du coût de stockage qui pèse sur la trésorerie.
Le poids des incertitudes politiques
Pour la deuxième moitié de l’année, si l’activité devrait résister, le niveau d’incertitudes apparaît au plus haut en raison de l’instabilité politique et des tensions renouvelées au moment de l’adoption d’un budget pour l’économie française. Ce contexte est propice à remettre en cause les projets de développement, d’investissement ou d’embauches des entreprises et reporter, de fait, l’inflexion attendue du nombre de défaillances des entreprises.
Le pic des défaillances d’entreprises est-il atteint ?
En 2025, le nombre de défaillances a continué de progresser et le seuil de 68 000 a été dépassé pour la première fois depuis 15 ans (à 68 400 en août en cumul sur 12 mois). L’année 2025 se caractérise également par une inflexion de leur volume. En effet, sur les huit premiers mois de l’année, la hausse des défaillances a été ramenée à 3 % après des taux de croissance à deux chiffres au cours des deux années antérieures (+38 % en 2023 et +21 % en 2024).
68 400 défaillances d’entreprise en août 2025 (cumulées sur 12 mois)
Les emplois menacés sont désormais orientés à la baisse
En août 2025, 253 000 emplois sont menacés du fait des défaillances d’entreprises sur 12 mois, ce qui représente une baisse de 9 % par rapport à août 2024. Bien qu’en légère décroissance, ce nombre d’emplois menacés reste à un niveau élevé. De surcroît, le supplément d’emplois menacés au cours des trois dernières années est supérieur aux moindres emplois menacés enregistrés sur la période 2020-2022. Ici également, le nombre d’emplois menacés est fonction de la catégorie d’entreprise. Sur une période longue de 10 ans, ils progressent de +32 %. Pour les ETI, leur hausse est deux fois supérieure (+64 %, contre +11 % pour les très petites entreprises).
Enfin, les disparités sectorielles demeurent particulièrement importantes. La part des emplois menacés par les défaillances d’entreprises dans les secteurs de la construction et des transports et entreposage est élevée : 23 % alors qu’ils représentent 16 % des emplois totaux de l’économie française. A contrario, le commerce et les services aux entreprises sont moins touchés : 32 % des emplois menacés se trouvent dans ces deux secteurs tandis qu’ils représentent 40 % des emplois totaux de l’économie française.
Si en août 2025, 68 400 défaillances d’entreprises ont été enregistrées, BPCE L’Observatoire prévoit sur la totalité de l’année 2025, 69 000 défaillances, soit une progression de +3 % par rapport à 2024. La prévision retenue en janvier est ainsi légèrement révisée à la hausse (+1 000 défaillances), compte tenu des derniers chiffres disponibles et des perspectives d’ici à la fin de l’année. L’impact économique de ces défaillances devrait toutefois s’établir autour de 245 000 emplois menacés, soit un reflux de 7 % par rapport à 2024 où deux grands groupes avaient fait défaut.
69 000 défaillances d’entreprises sont estimées pour l’année 2025
Aussi, les perspectives d’activité demeurent fragiles pour les TPE et les PME dans les prochains mois, pénalisées par la consommation des ménages qui reste atone, par l’investissement qui recule, et par l’incertitude politique et budgétaire qui ajoute une inconnue complexifiant l’équation financière des dirigeants d’entreprise. De surcroît, l’allongement des délais de paiements, le renchérissement du coût du crédit et les remboursements de la dette COVID (y compris les PGE) pèsent sur l’équilibre financier des entreprises. Selon BPI France, environ 4 % des dirigeants encore en phase de remboursement de PGE disent craindre de ne pas pouvoir rembourser ces prêts (pourcentage stable depuis les premières estimations menées en 2021).
La démographie des entreprises est très dynamique, y compris pour les sociétés
Les défaillances constituent un des maillons de la démographie des entreprises, laquelle est très dynamique depuis plusieurs années. En 2024, on dénombre 5,9 millions d’entreprises en France. Ce nombre d’entreprises a crû de près de 5 % en moyenne par an au cours des 5 dernières années, rythme supérieur d’un point de pourcentage à celui enregistré sur les 5 années précédentes. Les entreprises individuelles représentent un peu plus de la moitié des entreprises totales (54 %), proportion en légère hausse au cours du temps.
5,9 millions C’est le nombre d’entreprises en France en 2024
En dix ans, le nombre de créations d’entreprises a doublé, tout comme le nombre de cessations. En 2024, un peu plus de 1,1 million d’entreprises ont été créées. Le taux de création s’élève ainsi à 19 %. Stable sur les cinq dernières années, il est nettement plus élevé pour les entreprises individuelles que pour les sociétés (26 % contre 11 %). Dans le même temps, près de 900 000 entreprises ont cessé leurs activités. Le taux de cessation, de 15 %, progresse d’année en année et demeure près de trois fois supérieur pour les entreprises individuelles que pour les sociétés (22 % contre 7 %). En creux, la durée de vie moyenne s’établirait ainsi à 4,6 ans pour les entreprises individuelles et à 13,6 ans pour les sociétés.
La croissance du nombre d’entreprises (+48 % sur les dix dernières années) est ainsi largement supérieure à celle d’autres indicateurs de l’économie française en volume, telles la valeur ajoutée (+13 %) ou l’emploi (+11 %). Cette croissance du nombre d’entreprises est principalement portée par les microentreprises (+65 % pour celles qui n’ont pas de salariés), alors qu’elle est trois fois inférieure pour les entreprises de 50 salariés et plus (+22 %).
Le taux de défaillances reste bas… sauf pour les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire
La connaissance du nombre d’entreprises offre la possibilité d’établir une fréquence de défaillances. Cette dernière s’établit à 1,1 % en 2025, un niveau bas identique à celui de 2024 et de 2019 ! La hausse du taux de défaillance des entreprises depuis le point bas à 0,5 % en 2021 est concomitante à une conjoncture dégradée avec une croissance du PIB inférieure à son potentiel et à un effet rattrapage des celles qui ont été suspendues pendant la période COVID.
Par taille d’entreprises, cette analyse du taux de défaillances permet de tirer trois enseignements :
Les moindres défaillances observées au cours des années COVID ont-elles été rattrapées par les hausses enregistrées durant les années suivantes ? Pour les microentreprises, ce n’est pas le cas. Avec un écart de 2,6 points de pourcentage, le taux de défaillances reste significativement inférieur à ce qu’il serait sans cette période exceptionnelle. Pour les PME et les ETI, c’est le cas, le rattrapage étant presque intégral. Dans un futur proche, le taux de défaillances devrait poursuivre sa hausse.
Les disparités territoriales sont légion et certains territoires cumulent les vulnérabilités avec des niveaux de défaillances élevés, et en hausse
En 2025, le taux de défaillance des PME-ETI s’établit à 2,1 % au niveau national. Certains territoires sont en-deçà : la Basse-Normandie (1,2 %), la Franche-Comté, la Bretagne (1,5 %), l’Alsace et les Pays-de-la-Loire (1,6 %). D’autres sont au-delà, les départements d’Outre-Mer (entre 2,6 % et 4,0 %) et l’Île-de-France à 2,7 %. Entre 2019 et 2025, les évolutions sont particulièrement hétérogènes aussi.
Au niveau national, le taux de défaillance des PME-ETI a cru de +0,7 point de pourcentage (pp). Pour certains territoires, il n’a presque pas évolué : le Limousin (−0,2 pp), la Basse-Normandie (stable), la Bourgogne, la Réunion et le Centre-Val de Loire (au plus +0,2 pp). D’autres territoires font toutefois face à des hausses importantes du taux de défaillances : Martinique, Poitou-Charentes et Guadeloupe (entre +1,5 pp et +1,7 pp sur la période).