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Jeudi 26 octobre 2023
Paul Jenft, soutenu par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (CEGC), est un jeune espoir de l’équipe de France d’escalade en pleine ascension vers les Jeux Olympiques de Paris 2024. Découverte d’une sacrée personnalité.
J’ai commencé l’escalade vers 7 ou 8 ans par hasard. J’ai fait du vélo, du ski, du triathlon. Mon père grimpait un peu, à la Rochette (Savoie) et ma sœur pratiquait dans un club. Je n’étais pas particulièrement attiré par cette discipline mais j’ai suivi ma sœur. La première année je n’ai pas tellement accroché, ce n’était pas la grande passion. Je m’y rendais une fois par semaine. Et puis la 2e année de pratique, j’ai progressé. Il y avait une voie que je voulais absolument réussir. J’ai persévéré et au bout de quatre mois j’y suis parvenu. Je m’étais lancé un défi et je l’avais relevé. Et c’est ça qui m’a plu. J’ai continué avec des voies à chaque fois plus dures.
A 15 ans, je suis parti pour aller grimper à Chambéry dans un groupe de compet… Je suis toujours licencié là-bas. Je faisais l’aller et retour car j’étais au lycée à Pontcharra. Puis j’ai intégré le pôle espoirs de Voiron mais j’habite à Grenoble dans une collocation avec d’autres grimpeurs. J’ai intégré Polytech Grenoble, une école d’ingénieur post bac. Pour préparer les Jeux Olympiques de Paris 2024, je ferai mes deux premières années en quatre ans, et ensuite je terminerai mes trois dernières années d’école d’ingénieur.
Je vais en cours la journée de 8 à 16h puis je me rends à Voiron pour m’entraîner de 17h30 à 21h… Je rentre ensuite chez moi, je me fais à manger et je me couche car les journées sont bien remplies…
C’est un sujet un peu compliqué à aborder avec moi. Disons que j’ai du mal à me mettre des contraintes là-dessus. Jusqu’à la saison dernière, je ne faisais pas attention à mon alimentation, cette année je suis d’avantage attentif mais j’ai du mal, car ça me coûte plus que cela m’apporte… J’ai aussi un métabolisme assez favorable qui fait que je ne prends pas de poids, alors quand je veux me faire plaisir, je me fais plaisir… C’est moi qui me fais à manger et j’essaye au mieux d’équilibrer les plats avec des féculents, des protéines.
J’ai trois heures par semaine de prépa physique. C’est une préparation spécifique orientée pour l’escalade, essentiellement centrée sur le haut du corps. Et l’on ne soulève pas de barres avec des poids, car il faut rester très tonique…
Les profs, ça ne les regarde pas car je suis un étudiant comme les autres. C’est sûr que j’ai des absences que les autres n’ont pas. Mais ils ont le même regard que sur les autres étudiants… Une fois, je suis rentré d’une compétition en Asie, je n’avais pu réviser, j’ai eu 0 au DS… Mais c’est arrivé une fois en deux ans et le prof me l’a enlevé…
J’ai un peu tout fait… Il n’y a pas de grimpeur qui commence par la vitesse. Il n’y a que ceux qui font du haut niveau qui pratiquent la vitesse, personne en loisir ne fait ça. C’est un peu comme le 100 m, personne n’en fait pour s’amuser. Moi j’ai toujours pratiqué le bloc et la difficulté. Aux Jeux Olympiques de Paris 2024, on aura comme discipline le combiné qui est donc, comme son nom l’indique, un combiné des deux épreuves. Et ça me va très bien car je suis moyen dans les deux disciplines.
Pour l’épreuve dite de difficulté, il y a une corde sur un mur de 15 mètres de haut. On ne connait pas le tracé, on dispose de 6 minutes pour l’observer. Tous les compétiteurs se retrouvent ensemble pour tenter de décrypter la voie et là, malgré l’adversité, on discute, on échange sur les meilleures options. Cela reste très compétitif mais malgré tout, dans la lecture de la difficulté, on se donne les méthodes, on se fait tous confiance… Et ça, je trouve que ça pousse vers le haut et j’espère que cela restera, c’est l’esprit de l’escalade.
Le bloc, c’est un mur de 5 mètres de haut avec un gros tapis en dessous. Ensuite, on a 6 minutes pour faire le bloc. À la fin des 6 minutes, soit on a fait le bloc jusqu’en haut soit on a atteint des zones et l’on marque des points suivant les zones atteintes. On dispose de 15 essais au total et, à la fin, celui qui l’emporte, c’est celui qui a réalisé le plus de blocs avec le moins d’essais.
Il faut trouver comment on va pouvoir passer… Pour cela il faut comprendre ce qu’a voulu faire celui qui a tracé le bloc. C’est en fait très stratégique…C’est une vraie partie d’échecs. Il faut visualiser les mouvements au préalable. C’est beaucoup de réflexion en fait. Et même si le combiné correspond à ma vision des choses, en ce moment je suis meilleur en bloc.
Moi, je ne vois pas la compétition comme des contraintes. Comme tous ceux qui choisissent de faire de la compet, on se l’impose, on aime ça. C’est le défi perpétuel. Et on doit battre les autres mais pas de manière directe, ce n’est pas un sport de duel. On affronte d’abord la paroi… après c’est la comparaison entre nous, entre nos options et ça, c’est sympa, tous les compétiteurs aiment ça. De toutes façons, tous les compétiteurs en salle grimpent en extérieur, ça permet de s’aérer l’esprit… Souvent d’ailleurs, on se rejoint entre athlètes du circuit et on va ensemble dans les falaises. On essaye la même voie, on cherche à aller le plus haut possible. Soit on le fait entre Français, soit avec des sportifs d’autres pays ; on partage des méthodes, on aime bien passer du temps ensemble. Il y a un vrai bel état d’esprit, qui ne se perd pas avec la compétition. Ce n’est pas devenu un sport individualiste et je pense que cela ne le sera jamais car il y a toujours quelqu’un qui tient la corde en bas pour l’autre.
Les 48 meilleurs au classement mondial auront accès à plusieurs compétitions qualificatives. La première étaient à Berne mi-août où les trois premiers ont été qualifiés pour les Jeux Olympiques. On aura un tournoi européen à Laval le 27 octobre dont le vainqueur sera aussi qualifié. Il y aura ensuite une pause en hiver puis trois tournois qualificatifs, un en Chine, un autre à Abou Dhabi et un dernier à Budapest. Il y aura ensuite un classement général et les 14 meilleurs seront qualifiés pour Paris 2024. On saura donc au mois de juin 2024…
Ces six dernières années, il y a eu une domination du Japon. Après, il y a la France, les États-Unis, l’Autriche…
J’avais 15 ans, c’était la première année où on pouvait faire des compétitions en jeunes, en U16. Je ne faisais pas de bloc à l’époque. Je n’avais pas été sélectionné en difficulté et j’ai en revanche été sélectionné en bloc… Alors j’ai travaillé, j’ai commencé en étant moyen, puis ça s’est amélioré et à la dernière compétition de l’année, je suis devenu champion d’Europe.
L’analyse des méthodes, tactique et technique. Je trouve facilement comment passer dans les voies et je me place assez bien techniquement. J’ai des lacunes physiques, mais je compense par ma taille !
Je mesure 1,90m ce qui est rare en escalade. Dans le Top 100 mondial, on est deux à faire cette taille, mais j’ai tourné cette particularité à mon avantage. J’ai compris que de ma différence, je devais faire une force. Ce n’est pas évident. Car lorsqu’un ouvreur mesure 1,75m, il propose une voie qui correspond à sa morphologie. Ses mouvements ne sont pas faits pour moi… Donc, je dois trouver des méthodes à ma taille, différentes de ce qu’on veut m’imposer.
Ce qui me plaît, c’est l’aspect défi. Et puis de voir les progrès, l’évolution. Cela peut être sur le long terme mais également dans l’espace de la compétition. Entre les 30 premières secondes et la fin, j’aime voir le cheminement, la manière dont on va décrypter la voie…la progression. Et à chaque fois le défi à résoudre est nouveau. On nous pose à chaque fois un problème qu’on doit résoudre. Cela convient bien avec mes études d’ingénieur, c’est assez cérébral… Faut être ingénieux en escalade, faut trouver la ligne de faiblesse.
Je ne suis pas souvent dans le doute mais sinon je me raccroche à ce que je sais faire, je ne panique pas… Si je vais dans la bonne direction ou pas, j’essaye d’analyser, de prendre du recul… D’où vient la fatigue, je regarde les autres, j’intellectualise… Une fois que j’ai posé mon projet, j’arrive à me faire confiance et même quand je ne suis pas bon à l’entraînement. Car je sais que j’ai des cycles avec des hauts et des bas, aussi quand je suis dans le creux, je sais que la vague va remonter…
J’aurais arrêté la compétition. Mais j’aurais toujours l’esprit de compet donc j’irai grimper en extérieur, j’irai faire des grandes voies en falaise… avec le même état d’esprit : celui de progresser. Je ne suis pas intéressé par la perf intrinsèque, à l’état pur, la perf pour la perf. En revanche, j’aime relever des défis même dans des domaines où je ne suis pas bon. En cours par exemple, dans certaines matières, je ne suis pas terrible, je me dis : ‘‘Deviens bon’’… Et ça continuera comme ça, même à 40 ans.
C’est un objectif hyper important, un pas vers la professionnalisation. Avant, jamais je ne me fixais pas d’objectif de résultat. J’aimais la compétition, mais je la vivais au jour le jour. Là, c’est devenu autre chose, je planifie, j’engage toute ma vie dans ce projet olympique… C’est nouveau pour moi, cela m’a fait franchir un palier. Et puis ce sera devant le public français, grimper dans un cadre incroyable devant tous ces gens…
Je faisais pas mal de piano au lycée, aujourd’hui, j’ai moins de temps. Je fais beaucoup de vélo de route… ça coupe de l’escalade… Par exemple, je vais faire un col au-dessus de Grenoble. Je ne suis pas très bon cycliste mais bon, je déclenche le chrono en bas du col. La compet toujours et encore.
D’un point de vue purement factuel, on a un besoin d’argent pour pouvoir faire la saison de compétition. Il y a ensuite le côté humain, je sais que mon partenaire, CEGC, me suit, qu’il croit en moi, qu’il espère que je vais réussir, je grimpe aussi pour ça. Les gens qui ont envie de me soutenir vivent aussi le sport à travers moi. Comme lorsque je regarde le Tour de France, je suis à fond derrière les coureurs. Et bien, c’est pareil avec le partenaire, j’ai envie de faire partager cet esprit sportif. Ça me pousse à me donner…