Gaëtan Charlot, para-escrime : « L’escrime est un duel dans lequel il faut trouver des solutions techniques et tactiques … »

Mercredi 26 avril 2023

Gaëtan Charlot, est un épéiste handisport soutenu par BPCE. Il mène sa carrière sportive de haut niveau tout en poursuivant des études d’ingénieurs à l’INSA Lyon. Un double projet qui contribue à son équilibre. Portrait.

Comment êtes-vous venu à l’escrime ?

J’ai commencé très jeune, à 7 ans. J’étais en rééducation et au regard de mon handicap, les médecins m’ont conseillé de pratiquer du sport. Je suis depuis la naissance diplégique spastique. Il s’agit d’une malformation neurologique qui provoque une déconnexion de mes membres inférieurs. Mes muscles font un peu ce qu’ils veulent, ce qui fait que je ne contrôle pas toujours mes jambes et cela m’empêche de marcher. Les médecins m’ont donc conseillé de faire une activité physique. Et cela pouvait aussi contribuer à ce que je comprenne mon corps. J’aimais beaucoup le basket mais il n’y avait pas de club pour enfant dans ma région, en revanche il y avait un club d’escrime. J’ai essayé et j’ai continué…

Vous avez commencé par quelle arme ?

J’ai été formé au fleuret puis je suis passé à l’épée.

Qu’est-ce qui vous a fait accrocher à l’escrime ?

Ce que j’aime dans ce sport c’est qu’il est très complet, il permet de travailler à la fois le corps et l’esprit. C’est physique mais aussi technique, il faut manier une arme et être précis. Et enfin, il y a un aspect tactique qui me plait beaucoup aussi. C’est un combat, un duel dans lequel il faut trouver des solutions, la faille de l’adversaire, l’amener là où on veut qu’il aille pour le toucher ensuite… Il faut combiner tout ça. Car, si vous voyez la solution mais vous ne parvenez pas à la réaliser techniquement, vous ne marquez pas la touche. Et de même, si vous êtes fort techniquement mais vous ne dégagez pas de solution tactique vous ne marquez pas non plus…

Il faut rentrer dans le cerveau de l’adversaire, lui tendre des pièges et ne pas tomber dans les siens… C’est une confrontation de deux esprits…

Absolument ! Et c’est ce que j’aime. Le sport en tant que performance pure ne m’intéresse pas. Tous les sports de chrono, de distance, de lancer ne m’attirent pas. En revanche, le sport d’opposition m’intéresse, le fait de dominer l’autre dans toutes les dimensions possibles… le dépasser physiquement, tactiquement, techniquement… Il faut se surpasser pour dépasser l’autre.

C’est le paradoxe de l’escrime, il faut vouloir « transpercer » l’autre tout en le respectant…

C’est ça, sur la piste il n’y a pas d’amis qui tiennent mais dès que l’assaut est terminé, on redevient copains. Comme du reste dans tous les sports de combat.

Vous avez donc progressé jusqu’à intégrer l’équipe de France. Et parallèlement vous avez mené un double projet…

J’ai intégré l’Equipe de France en 2018 que je n’ai pas quittée depuis. En parallèle, j’ai intégré l’école d’ingénieur l’INSA Lyon. Je termine actuellement ma cinquième et dernière année avec comme spécialisation le génie industriel.

Pourquoi cette spécialité ?

C’est une formation très ouverte, qui offre de larges possibilités dans la mesure où nous sommes formés pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Il faut comprendre un fonctionnement d’ensemble pour ensuite répondre au problème posé. Un peu comme en escrime…

L’INSA est une école pionnière pour avoir accueilli des doubles projets et surtout les sportifs de haut niveau… Pouvez-vous expliquer comment se passe la scolarité pour un sportif de haut niveau ?

Il y a différentes possibilités de double projet : l’art, la musique, le théâtre… Les sportifs de haut niveau sont dans une structure à part avec des rythmes différents. Par exemple, la prépa intégrée se déroule normalement en deux ans. Nous avons la possibilité de la faire en trois ans. Chaque promo de sportifs compte 27 ou 28 élèves… Les enseignants sont au courant de notre projet sportif et nous aident en cela. Chacun a des sports différents, des problématiques différentes, des contraintes différentes…C’est donc très riche d’être ensemble, on apprend de tout le monde.

Que vous apporte de mener un double projet ?

Pour moi, c’est une chance de mener ces deux projets en parallèle. J’ai besoin d’un dérivatif, de faire plusieurs choses. Mes copains étudiants de l’INSA consacrent leur temps à leurs études. Moi j’ai du mal à faire une seule chose. Sportivement parlant, apprendre à réfléchir, à penser vite… cela m’est très utile. Et inversement, mes compétences dans le sport, l’abnégation, l’exigence, la capacité de travail du sportif de haut niveau m’aident pour mes études. Les compétences sont transverses. Et puis, je suis conscient qu’une carrière sportive ne dure qu’un temps, avoir mon diplôme d’ingénieur donne de la sérénité pour la suite. Enfin, les interactions humaines très fortes que l’on rencontre dans le sport me serviront aussi dans mon travail.

Dans cet emploi du temps chargé, vous veillez au sommeil, à la nutrition… ?

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